Mémé
de Philippe Torreton L'Iconoclaste, 2013, 143 p. C'était en 1995, Denise avait 80 ans passés et, pour la première fois de sa vie, elle montait dans le train Corail qui, de la gare de Bernay (Eure), la conduirait à Paris-Saint-Lazare. La veille, elle avait acheté une robe neuve et était allée chez le coiffeur. Celle dont la vie avait été une succession de « han » voulait être belle pour venir applaudir à la Comédie-Française, un dimanche en matinée, son petit-fils dans « le Barbier de Séville». Jamais Philippe Torreton n'eut davantage de trac, plus d'exigence aussi, qu'en jouant Figaro devant sa grand-mère, tout ébaubie qu'il soit devenu «un gars de la ville» et portât sur scène un costume de soie à double trame. C'est que, pour cette fermière normande deux fois veuve, il restait le garçonnet, le « bésot », dont elle s'était occupée quand ses parents le lui avaient confié, qui avait grandi en nourrissant les bêtes et en faisant les foins, forci en mangeant sa puissante « soupe au riz», son civet de cochon d'Inde ou son pain bis tartiné de graisse de porc. Depuis la maison pauvre de Triqueville, canton de Pont-Audemer, le gamin batailleur a fait son chemin. Mais, qu'il ait été Lorenzaccio ou Cyrano, capitaine Conan ou lieutenant Prouteau, Torreton n'a jamais oublié ce qu'il doit à cette femme née en 1914, aujourd'hui disparue, dont la générosité n'avait d'égale que l'humilité. Dans une langue en relief, imagée et lyrique à laquelle les acteurs ne nous ont guère habitués, il signe, en même temps qu'un inventaire de ce lieu de mémoire, le beau portrait d'une taiseuse en blouse imprimée qui vivait dans un « intérieur Emmaus », sentait la pomme à cidre, donnait des prénoms de filles à ses vaches, tutoyait ses poules et ses picots, aimait le Scrabble, « les Grosses Têtes»,« Savoir aimer» de Florent Pagny et les sagas de France Loisirs. Autrefois, écrit l'acteur reconnaissant, le silence de Mémé «rendait le monde bavard et inaudible ». Depuis qu'elle est morte, c'est dans son silence qu'il va se réfugier, c'est dans sa fermette normande qu'il va puiser la force de se battre contre les puissants, les cyniques, les exilés fiscaux et surtout les oublieux, qui sont des ingrats. --Le Nouvel Observateur, 16/01/2014 Jérôme Garcin. |
Torreton Philippe.
Mémé.
L'Iconoclaste, 2013, 143 p.
Titre : | Mémé |
Auteurs : | Philippe Torreton, Auteur |
Type de document : | texte imprimé |
Editeur : | L'Iconoclaste, 2013 |
ISBN/ISSN : | 978-2-913366-61-9 |
Format : | 143 p. |
Index. décimale : | R (Romans) |
Descripteurs : |
Motbis 21e siècle / France / littérature |
Résumé : | C'était en 1995, Denise avait 80 ans passés et, pour la première fois de sa vie, elle montait dans le train Corail qui, de la gare de Bernay (Eure), la conduirait à Paris-Saint-Lazare. La veille, elle avait acheté une robe neuve et était allée chez le coiffeur. Celle dont la vie avait été une succession de « han » voulait être belle pour venir applaudir à la Comédie-Française, un dimanche en matinée, son petit-fils dans « le Barbier de Séville». Jamais Philippe Torreton n'eut davantage de trac, plus d'exigence aussi, qu'en jouant Figaro devant sa grand-mère, tout ébaubie qu'il soit devenu «un gars de la ville» et portât sur scène un costume de soie à double trame. C'est que, pour cette fermière normande deux fois veuve, il restait le garçonnet, le « bésot », dont elle s'était occupée quand ses parents le lui avaient confié, qui avait grandi en nourrissant les bêtes et en faisant les foins, forci en mangeant sa puissante « soupe au riz», son civet de cochon d'Inde ou son pain bis tartiné de graisse de porc. Depuis la maison pauvre de Triqueville, canton de Pont-Audemer, le gamin batailleur a fait son chemin. Mais, qu'il ait été Lorenzaccio ou Cyrano, capitaine Conan ou lieutenant Prouteau, Torreton n'a jamais oublié ce qu'il doit à cette femme née en 1914, aujourd'hui disparue, dont la générosité n'avait d'égale que l'humilité. Dans une langue en relief, imagée et lyrique à laquelle les acteurs ne nous ont guère habitués, il signe, en même temps qu'un inventaire de ce lieu de mémoire, le beau portrait d'une taiseuse en blouse imprimée qui vivait dans un « intérieur Emmaus », sentait la pomme à cidre, donnait des prénoms de filles à ses vaches, tutoyait ses poules et ses picots, aimait le Scrabble, « les Grosses Têtes»,« Savoir aimer» de Florent Pagny et les sagas de France Loisirs. Autrefois, écrit l'acteur reconnaissant, le silence de Mémé «rendait le monde bavard et inaudible ». Depuis qu'elle est morte, c'est dans son silence qu'il va se réfugier, c'est dans sa fermette normande qu'il va puiser la force de se battre contre les puissants, les cyniques, les exilés fiscaux et surtout les oublieux, qui sont des ingrats. --Le Nouvel Observateur, 16/01/2014 Jérôme Garcin. |
Nature du document : | fiction |
Genre : | roman |
Thème de fiction : | grands-parents/souvenir |
Date de création : | 12/09/2014 |
Exemplaires (2)
Cote | Section | Localisation | Code-barres | Disponibilité |
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R TOR | Romans | C.D.R. | 017428 | Disponible |
R TOR | Romans | C.D.R. | 017427 | Disponible |